Maître Corinne Giudicelli-Jahn
Avocat au Barreau de Paris - Paris 16
 

Numéro d'urgence seulement pendant les week-ends

Maître Corinne Giudicelli-Jahn
Avocat au Barreau de Paris

Allocations familiales : L'arrêt de la Cour de justice de l’Union Européenne du 19 décembre 2024 change la donne


L’attribution des allocations familiales en France est en principe, conditionnée à la régularité de l’entrée des enfants sur le territoire national. Cette disposition repose notamment sur l’article L.512-2 paragraphe 3 du Code de la Sécurité Sociale, exigeant des preuves documentaires spécifiques pour les enfants nés à l’étranger.

En France, pour bénéficier des allocations familiales, les enfants étrangers nés hors du territoire devaient justifier leur entrée régulière, soit dans le cadre de la procédure de regroupement familial, ou en tant qu’enfants d’étrangers détenteurs d’une carte de séjour.

Cependant, l’article 12 de la Directive 2011/98/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 sur le permis unique établit un principe d’égalité de traitement entre travailleurs étrangers titulaires d’un permis unique et ressortissants nationaux en ce qui concerne les prestations de sécurité sociale. Cette directive a été au cœur d’un arrêt récent de la Cour de justice de l’Union européenne, modifiant les pratiques françaises en matière d’allocations familiales.

Évolution apportée par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne, arrêt n° C-664/23 Caisse d’allocations familiales des Hauts-de-Seine contre TX du 19 Décembre 2024

Un ressortissant arménien est entré en France le 7 janvier 2008 avec son épouse et ses deux enfants. Il a eu son troisième enfant en 2011. Ayant une carte de séjour temporaire lui permettant de travailler, il a décidé en 2014 de demander des allocations familiales pour ses trois enfants.

Par une décision du 1er aout 2016, la CAF des Hauts de Seine a refusé sa demande pour ses deux enfants nés en Arménie faute de documents attestant leur entrée régulière en France en se fondant sur l’article L. 512-2 paragraphe 3 du code de la sécurité sociale.

Un recours contre la décision de la CAF a été introduit devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre qui par la suite a rendu un jugement, du 21 décembre 2018, favorable pour le requérant qui selon le tribunal ; a le droit aux prestations familiales pour ses trois enfants à compter du 1er avril 2014, date d’obtention de son titre de séjour temporaire et a condamné la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine à payer à la mère des enfants la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

En appel, la Cour de Versailles a infirmé ce jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre et la CAF a obtenu gain de cause dans un arrêt rendu le 14 novembre 2019.

En revanche, en Cassation, la deuxième chambre civile a annulé, dans un arrêt du 23 juin 2022, la décision de la Cour d’appel et a renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel de Versailles autrement composée qui a décidé de saisir la Cour de justice par une question préjudicielle :

Une réglementation d’un État membre peut interdire, pour la détermination des droits à une prestation de sécurité sociale, de prendre en compte les enfants, nés dans un pays tiers à la charge d’un parent titulaire de permis unique lorsqu’ils ne sont pas entrés en vertu d’une procédure de regroupement familial ou en l’absence de documents prouvant la régularité de leur entrée sur le territoire ?

Sachant que cette condition n’ayant pas lieu d’être exigée pour les enfants d’allocataires nationaux ou ressortissants d’un autre Etat membre.

La CJUE a considéré que cette condition imposée par la France était contraire à l’article 12 de la directive 2011/98/UE. Elle a jugé que la réglementation française appliquait une condition supplémentaire aux travailleurs étrangers par rapport aux ressortissants nationaux ou européens, et que cela créait par conséquent un traitement discriminatoire incompatible avec le principe d’égalité de traitement garanti par la directive.

La CJUE a conclu également, que les allocations familiales ne devraient plus être subordonnées à la régularité de l’entrée sur le territoire des enfants nés à l’étranger pour les travailleurs étrangers disposant d’un permis unique.

Désormais, la France doit aligner sa législation sur les principes fondamentaux de l’UE et donc supprimer l’exigence de justificatif d’entrée régulière des enfants nés hors France énoncée dans l’article L.512-2 paragraphe 3 jugée incompatible avec le principe d’égalité de traitement garanti par le droit de l’Union Européenne.

La CJUE considère en effet, « qu’une telle réglementation nationale réserve aux ressortissants de pays tiers titulaires d’un permis unique un traitement moins favorable que celui dont bénéficient les ressortissants de l’État membre d’accueil. Par conséquent, une telle réglementation est contraire au droit à l’égalité de traitement consacré à l’article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 2011/98 ».

Certes, cet arrêt marque une étape importante dans l’application du droit européen en matière de sécurité sociale et en matière du droit des étrangers.

Cette évolution jurisprudentielle qui donne le droit aux enfants nés dans des pays tiers d’être pris en compte pour le calcul des allocations familiales, indépendamment de leur statut d’entrée sur le territoire avait pour objectif de garantir un principe fondamental d’égalité de traitement.

Selon la Cour, les travailleurs étrangers titulaires d’un permis unique doivent bénéficier des mêmes droits que les nationaux tout en renforçant leur intégration dans les pays d’accueil.

Tous les États membres de l’Union Européenne sont tenus de respecter ce principe et doivent adapter leurs législations nationales, en cas de non conformité des règles nationales en matière de sécurité sociale, avec les principes de l’Union Européenne.


Lire les commentaires (0)

Articles similaires


Soyez le premier à réagir

Ne sera pas publié

Envoyé !

Catégories

Derniers articles

Création et référencement du site par Simplébo

Connexion