Maître Corinne Giudicelli-Jahn
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Mariages blancs-Mariages gris : Quelles conséquences en droit des étrangers ?


En tant qu’institution sociale et juridique, le mariage peut être conçu comme l’union de deux personnes en toute liberté par l’expression d’un consentement éclairé.

En droit français, ce consentement est considéré comme l’élément constitutif et fondamental du mariage. L’article 146 du code civil dispose qu’« il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a de consentement », et « quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux. » Article 202-1 code civil. Ce consentement doit être libre, éclairé et exprimé devant une autorité publique (article 165 code civil), c’est-à-dire par un maire, un adjoint ou un conseiller municipal (art. L2122-18, L2122-32 et L2511-26 Code général des collectivités territoriales).

La décision du Conseil constitutionnel du 22 juin 2012 (n°2012-261 QPC) réaffirme l'importance du consentement en précisant que « la protection constitutionnelle de la liberté du mariage ne confère pas le droit de contracter à des fins étrangères à l’union matrimoniale ».

Ainsi le mariage est fictif si le consentement du couple n’est ni réel ni sérieux et donc sans volonté réelle de se marier, et plus précisément si le mariage est célébré en l’absence d’une intention véritable et sincère de créer une vie commune et durable de l’un des deux conjoints. C’est le cas des mariages blancs et gris. Dans le cas d’un mariage blanc, les deux personnes sont complices, elles organisent ensemble la réalisation d’un mariage de façade, sans aucune volonté de fonder une vie familiale. Ici, le ministère public peut alors diligenter une procédure visant l’annulation de cette union frauduleuse. Dans le cas d’un mariage gris, l’un des époux est de bonne foi mais l’autre non et se marie seulement pour obtenir un avantage (la nationalité française, le titre de séjour …)

Dans les deux cas, ce genre d’actes peuvent faire l’objet d’une action en annulation et entraîner même des sanctions pénales pour fraude. Dans l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 16 septembre 2004 (n°2003/09409), les juges ont annulé un mariage en raison d'un défaut d'intention matrimoniale, établissant que l'union avait été contractée uniquement pour obtenir la nationalité française en absence de vie commune.

En cas de suspicion d’un mariage frauduleux (blanc ou gris), le partenaire concerné ne pourrait pas invoquer l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qui garantit le respect de la vie privée et familiale afin de démontrer un lien matrimonial réel. En effet, “un mariage purement fictif ne relève pas de la sphère protégée par les articles 8 et 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'absence de toute intention matrimoniale et de toute vie familiale effective”, a précisé la Cour de cassation dans un arrêt de la Chambre civile 1, 1 juin 2017, 16-13.441. Ainsi, ce droit n'est pas absolu lorsqu'il s'agit de mariages purement fictifs. Par ailleurs, le Tribunal administratif de Limoges, dans une décision du 17 mai 2023 (n°2300809), a rejeté la demande d'un requérant qui n'avait pas démontré « l'ancienneté, la stabilité et l'intensité de ses liens », précisés à l’article L423-23 CESESA avec sa partenaire, refusant ainsi de reconnaître une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Action en annulation d’un mariage gris

L’époux (se) de bonne foi peut demander l’annulation du mariage si les objectifs poursuivis par le conjoint étaient autres que l’union matrimoniale sur le fondement des articles 180 et 146 du code civil. En somme, il aura été victime d’une « fraude aux sentiments ».

En cas de réussite d’une telle procédure, contrairement à un divorce, le mariage est annulé dès l’origine. Cette procédure d’annulation affecte donc la validité même du mariage, ce dernier sera réputé ne jamais avoir existé. Dans ce cas, l’étranger qui a commis la fraude, se verrait retirer son titre de séjour si ce dernier a été obtenu au titre de conjoint de français puisqu’il n’a pas respecté l’ordre public français (l’article L432-4 CESEDA) et qu’il ne remplisse pas les conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire sur le fondement de l’article L432-5 du CESEDA.

Dans la décision du Défenseur des droits n°2023-095 estime que “la jurisprudence considère que la fraude peut justifier un tel retrait (du titre de séjour) lorsque l’une des conditions de fond du droit au séjour – fixées dans la partie législative du CESEDA – cesse d’être remplie. C’est notamment le cas lorsqu’il apparaît que le mariage a été contracté moyennant une somme d’argent dans le seul but d’obtenir un titre de séjour”.

Mais attention ! ce genre de procédure, à laquelle le procureur de la république est associé est longue (18mois environ) et pourrait s’avérer périlleuse. En effet, il sera difficile de prouver, en cas de vie commune, que les intentions du conjoint n’étaient tournées que vers l’obtention d’un titre de séjour par exemple dans les faits, la moitié de ces procédures font l’objet d’un jugement de rejet de la part des tribunaux.

C’est pour cette raison qu’il faut :

- Rassembler des preuves prouvant la fraude : Echanges écrits (messages, sms emails…)

- Des preuves de vie séparée (des factures au nom d’un seul partenaire)

- Témoignages des membres de la famille et des proches (preuves que le fraudeur n’assistent jamais aux événements familiaux et les fêtes en familles)

Vous pensez être victime d’un mariage gris ?

Il existe quelques éléments révélateurs pouvant alerter sur cette fraude. A titre d’exemples :

- La personne étrangère veut se marier rapidement,

- La personne étrangère veut avoir un enfant sans délai

- La personne étrangère ne cherche pas les contacts avec la famille du conjoint

Dès le titre de séjour obtenu, le fraudeur change de comportement et délaisse le domicile conjugal, peut devenir violent(e). Dans ce cas, si vous avez été trompé par votre conjoint pour qu’il obtienne des avantages ; un titre de séjour, la nationalité française, il est conseillé de :

- D’établir une main courante auprès du commissariat et de noter précisément les faits.

- De prévenir les services de la Préfecture qui pourra décider de retirer un titre de séjour ou d’abroger un visa.


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